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Le métier de correcteur dans la presse

DANS LA PRESSE QUOTIDIENNE

La presse quotidienne nationale traverse une tempête sans précédent.

La catastrophe annoncée depuis des décennies se déroule en ce moment sous nos yeux, avec la disparition de MoneyWeek en octobre 2011 ; l’arrêt brutal d’un emblème de la presse d’après-guerre, France Soir, le 14 décembre 2011 ; celui de La Tribune, le 30 janvier 2012.

D’autres titres sont en difficulté, mais espérons que la liste s’arrête là. Les éditeurs tentent de prendre le virage électronique, mais tardivement et sans s’y être préparés, à quelques exceptions près, plutôt comme une sortie de secours à une presse papier bien mal en point. Et, surtout, pour le moment les aides de l’État ne vont qu’au papier. Les journaux doivent perdurer.

Les deux supports sont pourtant complémentaires, et une presse imprimée de qualité aura un écho sur le Web ou les tablettes. Mais s’il est question de faire payer le lecteur, la fabrication ne pourra en être gratuite, ce serait trop simple. Les quotidiens de province n’emploient plus de correcteurs, ou alors seulement pour les petites annonces, satisfaction du client payeur oblige. Au mépris, ou plutôt au sourire du lecteur.

Les éditeurs de presse nationale ont réduit les cassetins au minimum, mais passent encore par le mal nécessaire qu’est la correction, ou révision – à l'exception notable de Libération, qui a fermé son service en 2007… –, depuis que les ouvriers du Livre sont passés sous le statut journalistes, tout en continuant à exercer exactement le même métier.

Qui peut croire qu’une presse de qualité, la seule qui pourra attirer des lecteurs, puisse l’être sur le fond, mais pas sur la forme ?

Les deux sont d’ailleurs inextricablement mêlés puisque le réviseur vérifie le fond et la forme. S’il doit ne rester que deux acteurs dans une écriture électronique pour le moment fantasmée, ce sera l’auteur et son premier lecteur, le réviseur.

Pour l'heure, notre action syndicale dans la presse se concentre sur deux objectifs : 

Lutter contre la précarité, à une époque où la fabrication des journaux repose essentiellement sur un énorme vivier de pigistes, travailleurs jetables et généralement moins bien payés que ceux en CDI. Augmentation du montant des piges, lutte contre les recours à l'auto-entrepreneuriat et demande de titularisations figurent parmi nos revendications.  

Défendre notre métier, pour l'heure considéré comme variable d'ajustement des politiques sociales des entreprises de presse, alors que l'érosion des ventes témoigne de l'urgence qu'il y a à revenir au respect de l'ensemble des acteurs de la chaîne de fabrication pour proposer aux lecteurs des produits de qualité. 

 

DANS LA PRESSE MAGAZINE

Les rédacteurs-réviseurs :

En presse magazine, qu’elle soit hebdomadaire, mensuelle ou d’une autre périodicité, le correcteur exerce ses talents sous l’appellation de rédacteur-réviseur et a le statut de journaliste. Il travaille, sauf exception (exceptions qui pourraient se multiplier dans les années qui viennent), sur place, au sein du service révision, quand il y en a un, service dont l’effectif peut aller de un ou deux à sept ou huit correcteurs, ou réviseurs. Le travail est souvent dense et le rythme soutenu. Les salaires sont de passables à corrects, en général pas réévalués ou très peu ces dernières années.

Le travail à domicile pour la correction de la presse périodique est peu répandu mais pas si rare, on peut penser qu’il est amené à se développer. Il est couramment pratiqué dans d’autres métiers de la presse (infographistes, maquettistes…). Des cas de sous-traitance ont été signalés…

Les sites Web des titres de presse sont parfois corrigés, souvent négligés. De même que le Web est le parent pauvre du papier du point de vue de l’investissement en temps et en moyens, ceux qui travaillent sur le Web, qu’ils soient en poste ou à domicile, sont presque systématiquement moins bien lotis que leurs alter ego du papier.

Certains titres de presse magazine se passent de correcteurs. On escamote le mot, la fonction spécifique, mais d’une façon ou d’une autre la correction est alors assurée par un ou plusieurs secrétaires de rédaction (SR). Il arrive aussi qu’on embauche un correcteur sous l’appellation de SR.

On observe ici ou là une discrète érosion des effectifs, ce qui accroît d’autant la charge de travail de chacun. Ce n’est pas d’une brûlante actualité, mais c’est une tendance : ici on remplace un plein-temps par un quatre-cinquièmes, là on ne remplace plus les congés maladie de moins de trois jours…

Autre tendance qui ne surprendra personne : la souplesse est de rigueur. Dans la presse magazine comme ailleurs dans le monde ultralibéral, on attend de chacun qu’il fasse ses heures et au-delà sans rechigner. La durée de travail normale est de sept heures par jour, mais dans pas mal de boîtes il est de bon ton de dépasser gentiment ces horaires mesquins sans avoir le mauvais esprit de s’en plaindre.
On attend cette même disponibilité de la part des salariés intermittents couramment appelés pigistes que la presse périodique consomme en grande quantité.

Les pigistes et intermittents de la presse :

Les titres de la presse magazine fonctionnent par nécessité avec un certain volant de travailleurs intermittents, qu’ils soient pigistes (la pige est une forme de contrat au jour le jour en usage dans la presse) ou en CDD, qu’on appellera ici sans distinction pigistes.
Le recours aux pigistes (correcteurs ou autres métiers : SR, maquettistes, infographistes, etc.) en remplacement (congés, maladie...) ou en renfort (bouclage, hors-série...) est une pratique courante qui permet de répondre aux contraintes liées à la presse. La presse magazine est ainsi à la fois un vivier d’emplois intermittents et un foyer de précarité.

Les pigistes tournent en général sur deux ou trois titres ou plus. Il n’est pas rare qu’un correcteur pigiste dans tel titre de presse périodique travaille par ailleurs à domicile dans l’édition ou corrige des rapports financiers pour une boîte de com au creux de l’hiver. Travailler de-ci de-là n’est pas sans charme, on peut apprécier de n’être pas enchaîné à la routine d’un travail à plein temps et ce peut être un choix, mais cette liberté a ses contraintes, et comme dans la fable on a tôt fait de découvrir la marque du collier.

Un pigiste doit se montrer disponible autant que possible, éventuellement du jour au lendemain, faute de quoi on fera moins appel à lui puis plus du tout (mesure de rétorsion invisible et efficace pour s’assurer la servilité d’un volant de remplaçants). Un pigiste n’est jamais malade, ne part pas en vacances (parce qu’il y a du boulot en ce moment…) et est, de fait, privé du libre exercice du droit de grève.

Les pigistes réguliers de longue date dans un même titre sont parfois titularisés à l’occasion d’un départ ou d’une réorganisation des effectifs, mais il est courant de rester pigiste pendant des années. L’incertitude chronique sur les revenus et l’emploi du temps, qui est la loi du genre (on connaît rarement son emploi du temps plus de deux ou trois semaines à l’avance), maintient le pigiste dans une relation de dépendance envers ses employeurs et les chefs de service qui le font travailler au gré des besoins.

Cette relation de dépendance a son expression en droit : un salarié intermittent qui considère que son employeur principal abuse des CDD depuis trop longtemps peut aller en justice et demander la requalification de son contrat en CDI.
Certains titres ont recours abusivement à un grand nombre de pigistes. Télérama a récemment été rappelé à l’ordre par l’inspection du travail et a dû embaucher, parmi les nombreux pigistes réguliers, deux CDI à temps plein. Le volume global des piges a diminué d’autant, c’était le but de la manœuvre mais cela n’a pas fait l’affaire des autres pigistes, qui aimeraient se stabiliser mais qui en attendant ont besoin de bosser…

La correction des sites Web et le travail à domicile :

Dans nos métiers de la presse et de l’édition comme ailleurs, le travail sur Internet et la possibilité de travailler à distance qui va naturellement avec est le cheval de Troie de la privatisation du travail et des dérégulations (statut, niveau de rémunération, horaires, etc.) qui l’accompagnent.

De façon générale, et à part quelques exceptions notoires, la correction des sites Web des titres de presse est négligée quand elle n’est pas inexistante – c’est le cas pour la plupart des titres. On compte sans doute sur une plus grande tolérance supposée du cyberlecteur aux fautes et coquilles.

Moindre exigence et conditions de travail dégradées vont de pair : horaires irréguliers (quelques heures par-ci par-là sept jours sur sept à domicile, pour le Point.fr), tarifs au rabais (les correcteurs pigistes du Monde.fr perçoivent pour un même travail dans les mêmes locaux 50 % de moins que les pigistes de l’édition papier), etc.

Par ailleurs, le travail à domicile (TAD) pour la correction des éditions papier de certains titres de presse périodique existe d’ores et déjà, on en voit quelques exemples ici et là sous diverses formes. À surveiller de près, car le travail en ligne pourrait bien se développer dans les années qui viennent, dans la presse comme dans d’autres secteurs, et l’on peut craindre une dégradation des conditions de travail. On sait ce qu’il en est dans l’édition et dans la com, où les correcteurs sont maintenant sommés de « travailler en indépendant » en adoptant le statut d’auto-entrepreneur, ce qui les prive des droits sociaux tels que l’assurance chômage, la retraite ou la formation s’ils n’y cotisent pas eux-mêmes et permet aux ci-devant employeurs devenus clients d’imposer leurs conditions sans se soucier du droit du travail.

En outre, auto-entrepreneur ou pas, chaque travailleur à domicile négocie seul à seul avec son employeur, en concurrence avec les autres salariés et avec pour seul arbitre la main invisible du marché du travail.

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